jeudi 28 octobre 2010

LES PETITS MOUCHOIRS

Il court sur nos écrans, ceux des salles obscures, un très joli petit film, qui pourrait bien en cacher un très grand.
Il est petit car il parle avec une délicatesse infinie de nos modestes quotidiens. Mais il est grand par le souffle inspiré qui le traverse, et par la vérité et la drôlerie des personnages ou des situations qu'il évoque.
Il est petit dans sa volonté de coller à l'humain, dans les détails de dialogues sensibles et percutants.

les petits mouchoirs.jpg
Il est grand lorsqu'il embrasse l'existence de personnes que nous pourrions être, ou que nous avons rencontrées.
Le temps des vacances, c'est toute la vie dans son comique irrésistible et son tragique ordinaire qui traverse la toile comme les comédiens traversent le bras de mer.

la troupe Les petits mouchoirs
Il est en passe d'offrir un triomphe mérité à son auteur-réalisateur, Guillaume Canet, qui n'en est pas à son coup d'essai, mais à son coup de maître.
Les comédiens, même ceux qui ne le sont pas, sont tous parfaits, certains comme une seconde nature (François Cluzet).
Si tu ne l'as pas vu, vas rire et t'émouvoir devant "Les petits mouchoirs", qui restera une grande réussite de 2010 au cinéma.
N.B. : A ma connaissance aucun des comédiens de ce film n'a jamais fait de déclarations homophobes en public. J'ai entendu Gilles Lellouche prendre parti contre le racisme et l'homophobie. La rumeur le concernant proviendrait d'une confusion avec son frère Philippe Lellouche, qui ne joue pas dans ce film.

vendredi 15 octobre 2010

LE CRI DU LIVRE

Je ressens une véritable angoisse en ce moment : J'ai réalisé, à divers signes, que les livres sont en voie de raréfaction.
Bien sûr je supputais, ainsi que tout un chacun, l'imminence de la catastrophe. L'on allait un jour regarder un écran pour plonger dans l'univers d'un écrivain. Je suis même étonné que ça ait été si long. Mais c'est une chose de comprendre intellectuellement, et une autre de laisser mon instinctive comprenette en découvrir la réalité physique.
Ne plus sentir l'odeur de l'imprimerie, ne plus caresser la tranche, sentir le poids des mots dans ma main amoureuse lorsque j'ai fait mon choix! Depuis que j'ai quatre ans je lis quotidiennement. Mon père m'avait donné avant l'école le moyen de lui échapper à vie. L'objet de papier est devenu aussitôt mon compagnon imaginaire. Rien n'a jamais changé : mon Gabriel te dirait à quel point je suis diplomate, sauf quand on m'empêche de lire. Les livres ont été si souvent ma seule consolation, l'unique lien me retenant de sombrer, que je suis attaché à eux collectivement par le cœur.
Je sais que ce qui compte c'est le fond, peu importe la forme. Sur tablette d'argile, parchemin ou papyrus, papier ou lcd, la pensée du génie reste du génie.
Mais va dire cela à mon corps qui s'est accroché à des ouvrages trop grands pour lui, qui a serré avec émotion de petits poches, va convaincre la peau de mes mains qui ont tourné avec tendresse ces millions de pages! Mon inconscient est comme le nouveau-né qui se suspend au sein, il reconnait ce qui l'a nourri et dont sa vie dépend.

ND-de-Paris
ND de paris
Je m'adapterai, parce qu'il est des renonciations plus fondamentales, parce que je ne veux pas être puéril, parce que ça se fait, parce que le progrès n'attend pas, parce que la vie se vit, elle n'est pas dans les livres.
Quoique.
Je les ai vécus, ces rires qui illuminaient le papier, ces larmes qui déformaient les feuilles. Personne ne me les partageait à ce moment, il m'a fallu attendre d'être adulte pour les mêler à un être vivant, avant c'était avec la pâte de bois ou de chiffon, et la colle.

livre par David Monniaux licence cc
livre par David Monniaux licence cc
Je ne suis pas Cosette, mais c'est son nom écrit à l'encre qui a fraternisé avec ma petite souffrance. Je ne suis pas Croc-blanc, mais c'est le dessin d'artiste de la couverture qui l'a matérialisé dans mes nuits sans sommeil d'enfant. Que ferai-je d'un écran qui s'efface, d'un tas d'électrons à la merci d'une variation électromagnétique? Où retrouverai-je le trèfle oublié dans mon espoir adolescent?
Oui, je l'avoue, je suis fétichiste. Sans honte je vais devenir collectionneur de livres anciens, puis qu'ils le seront tous, de leur naissance post-Gutenberg à leur mort au début du troisième millénaire. Au moins, dans la bibliothèque, je pourrai baigner dans ma douce nostalgie, pour toujours puiser des forces au sein de la mer de papier relié. Et oublier le cri du livre qu'on assassine.
Permets moi encore une petite photo, comme une méthadone à un accro:

bibliothèque
Bibliothèque
Et à présent, pendant que je sens la flamme vacillante de mon courage, dis moi vite quel machin électronique je devrai adopter pour garder le contact avec mes écrivains chéris d'aujourd'hui et de demain.

vendredi 8 octobre 2010

KABOOM

Dialogue intérieur :
-Kaboom est un film brillant, aux tonalités pops, qui prouve qu'un réalisateur de cinquante ans peut parfaitement saisir l'air du temps des djeuns.
- Oui, tu veux dire l'odeur persistante des poudres qui font voir des choses étranges! On a du mal à distinguer la réalité de la fiction, les flashbacks du présent, les hallucinations de l'action.
- C'est ça qui est génial, les hallucinations sont une partie de la réalité, elles éclairent et expliquent le vécu des personnages.
- Mais du vécu, pour qu'il y en ait, il faudrait un scénario! Tu sais, un truc avec un début et une fin, qui ne nous laisse pas sur notre faim! Dans Kaboom, il y a un vague suspense, avec une de ces justifications apocalyptiques chères aux américains, et une fin qui ne ressemble à rien.
- Peut-être, mais avoue que tu ne t'es pas ennuyé.

Kaboom3
Kaboom
- Non, c'est vrai, j'ai été pris par les personnages attachants, un peu paumés, comme quand on a du mal à sortir de l'adolescence. Mais c'est quoi cette sexualité adulte où personne n'a une orientation claire? Que dit-il, à un moment? Il n'y aurait que 6% de vrais hétéros ou homos, tout le monde est bi?
- Tu fais bien de parler des dialogues, ne me dis pas qu'ils ne sont pas drôles, je t'ai entendu éclater de rire de nombreuses fois. Et avoue que les acteurs sont craquants, il y en a pour tous les goûts, et les scènes osées sont légion. J'ai bien vu que le mec de la plage t'avait fait fantasmer.
- A se demander si ce n'est pas le but du film, d'ailleurs. Mais ne pas choisir entre film polisson, thriller métaphysique, comédie de moeurs et drame apocalyptique, c'est risquer de faire un navet. Dont le film est assez proche à mon avis.
-Mais non, c'est un futur film culte, on peut faire des parallèles avec David Lynch, Quentin Tarantino, Gregg Araki est un grand cinéaste!


Kaboom4
Kaboom
Comme tu le vois, j'ai mis trois jours à écrire cette critique tant je suis partagé avec moi-même à propos de Kaboom. Mais en trois jours je ne l'ai pas oublié, c'est donc que j'y ai trouvé un intérêt. A toi de voir.

mardi 5 octobre 2010

PUB ET NAIVETE ELECTRONIQUE

Internet évolue. Avec le premier web, tout était gratuit, enthousiaste, amateur et naïf. Bon d'accord, c'était un peu lent, les bugs étaient quotidiens et la connexion faisait un bruit d'enfer.
On voyait alors des sites sur lesquels figuraient une supplique à l'égard des internautes de passage: « si vous voulez que ce site continue à vivre, cliquez sur l'une des bannières ci dessus, car seule la pub nous finance ». Par bonté d'âme, on cliquait, et rarement on achetait. Il y a donc eu une véritable hécatombe de sites, et les financiers ont surnommé la période "première bulle internet". Et de leur point de vue ce n'était pas flatteur. Mais tout était possible.

windows 95
Avec le 2.0, ça se professionnalise : l'internaute est sollicité pour partager ses photos, vidéos, les réseaux sociaux naissent, avec les blogs, le rss, les wikis.
Les sites ne supplient plus qu'on les soutienne, mais la pub devient omniprésente. Tout reste quasiment gratuit dans un premier temps, internet grimpe dans les campagnes pub, surtout les campagnes d'images. Cela fait espérer aux acteurs que le modèle d'internet est basé sur le forfait illimité, la gratuité apparente, et la publicité rémunératrice.
Ou bien sur les fondations qui délivrent logiciels ou sites "libres".
Wikipédia tente de trouver la juste place entre idéalisme et réalisme.
Bien qu'ils se fassent rares, des polémistes critiquent la pub qu'ils jugent salissante pour la pureté du web. Mais le combat est d'arrière-garde. Car la suite est déjà là.
La manne publicitaire est finalement entièrement drainée par un astucieux moteur de recherche qu'il est inutile de nommer, et quelques rares sites qui peuvent archiver impunément les données des internautes. Et les vendre aux plus offrants. Les spams submergent tout, les forfaits illimités sont menacés, les journaux verrouillent tout ou partie de leurs articles, et les piratages de films auprès des mafias orientales remplacent les mules et sont indéfendables. La rumeur dit que Wiki s'essouffle. En même temps internet devient disponible partout, tout le temps. Et en payant, on pourra bientôt bénéficier de l'audiovisuel en permanence et en tous lieux à un débit parfait.
Nous sommes au bord de la troisième révolution internet, ou je me trompe? Et je me demande de combien sera la facture cette fois.

dimanche 3 octobre 2010

L'ACADEMIE DES JEUNES

C'est un scandale!
J'ai appris que l'un des derniers bastions, avec le sénat, résistant encore au jeunisme ambiant est tombé. L'Académie Française, la fleur de la littérature mondiale francophone, a voté une limite d'âge à la candidature.
Pour être éligible, il faudra être jeune, et il y a là une trahison. C'est que les félons hiérarques ont eux même bénéficié de la mansuétude de leurs pairs lors de leur investiture.
Et à présent qu'ils en sont les élus perpétuels, cheveux blancs et fauteuils orthopédiques, ils revendiquent un rajeunissement honteux. Faites ce que je dis, ne faites pas l'âge que je fais.

Marcel Aymé
Marcel Aymé (Le Passe Muraille)
Ils, et elles, car les femmes ont été de la côterie anti-vieux, veulent voir du jeune, de l'aguichant les rejoindre.
Maintenant qu'il sont eux-même assurés du siège.
Leur démon de midi a occulté les conséquences dramatiques de leur vote. Ont-ils seulement songé que Marguerite Yourcenar ne les aurait jamais rejoint?
Et surtout, surtout, ont-ils réfléchi à l'attente interminable qui va désormais régner sur les élections? Le renouvellement naturel ne permettra plus à un candidat malheureux d'espérer une deuxième chance rapidement. C'est qu'à moins de servir une spécialité à base d'arsenic à la cantine de l'assemblée de Richelieu, les titulaires ont l'espérance de vie pour eux. (Je ne plaide en aucun cas pour l'usage de l'arsenic, ni ne souhaite aucun mal aux académiciens)


Georges Bernanos
Georges Bernanos (journal d'un curé de campagne)
Ils vont s'accrocher à leur rond de velours comme on refuse la tombe, et au final c'est l'académie qui aura encore moins de chance de voir passer en son sein les grands écrivains qui, tels Molière, se verront opposer le règlement.
Oui, vraiment, interdire aux plus de soixante-quinze ans de postuler à l'Académie Française est scélérat.
PS : Marcel Aymé et Georges Bernanos ont choisi de ne pas être de l'Académie.