lundi 31 janvier 2011

ART CONTEMPORAIN Février 2011

Loriot et Melia sont de drôles d'oiseaux. Artistes contemporains français, ils composent un univers poétique et lumineux qui parle à nos sens et notre raison.
"L'embrouillement pour Cythère" se présente comme une photographie munie d'un interrupteur. Le spectateur se demande ce qu'il a sous les yeux, cela fait partie du jeu.

L'embrouillement pour cythere1 Loriot Melia
"L'embrouillement pour Cythère" de Loriot et Melia. photo Agayfriday. tous droits réservés aux artistes
Après accoutumance, on reconnaît un trottoir en gros plan, et dans le caniveau une tache d'huile. Grâce au mégot de cigarette, on se représente les dimensions du trottoir. Image décalée d'un quotidien extrêmement banal, tu en conviendras.
Mais il est temps d'actionner l'interrupteur :
Une deuxième photographie se superpose, ainsi qu'une série de points lumineux éclairés par des leds derrière l'œuvre. Sur celle-ci, les estivants sont sur le remblai d'une station balnéaire familiale, devant une plage de sable, avec la mer au loin.

L'embrouillement pour cythere2 Loriot Melia
"L'embrouillement pour Cythère" de Loriot et Melia.Photo agayfriday. tous droits réservé aux artistes
Ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est que le trottoir n'a pas disparu. Il prend un autre sens pourtant, n'est-ce-pas? As-tu remarqué que le caniveau fait désormais la rive?
Le titre de l'œuvre, comme sa composition font référence à un chef d'œuvre de Watteau, L'embarquement pour Cythère.
l'embarquement pour cythere domaine public
L'embarquement pour Cythère par Watteau. domaine public
Loriot et Melia peignent avec les moyens du 21ème siècle en réponse au peintre du 18ème. L'embarquement devient l'Embrouillement comme l'huile et les pigments deviennent leds et photographies.
La création a encore de beaux jours devant elle, si les créateurs de 2010 rendent hommage à celui de 1710.
Dans "Les fruits d'une mûre réflexion", le vitrail d'une fleur est éclairé par derrière. Quoi de plus ordinaire?

Les fruits d'une mure réflexion1 Loriot Melia
"Les fruits d'une mûre réflexion" de Loriot et Melia.Photo agayfriday. tous droits réservés aux artistes
Devant ce vitrail, de petits miroirs de supermarché reflètent les couleurs. Les artistes ont collé de simples étiquettes de code-barre récupérées pour cacher des parties de miroirs et jouer sur la lumière.


Les fruits d'une mure réflexion2 Loriot Melia
"Les fruits d'une mûre réflexion" de Loriot et Melia.Photo Agayfriday. tous droits réservés aux artistes
Et enfin dans le placard à droite, les lumières savamment dirigées se reflètent en forme de fruits. Il est impossible à l'esprit d'accepter qu'il n'y ait pas d'autre trucage, tant la rupture entre le vitrail et les fruits est totale. De la lumière, une fleur en vitrail, des petits miroirs ordinaires, des étiquettes banales, rien d'autre. Et la magie des artistes.

Les fruits d'une mure réflexion3 Loriot Melia
"Les fruits d'une mûre réflexion" de Loriot et Melia. Photo Agayfriday. tous droits réservés aux artistes
On pense aux natures mortes du 18ème, aux compositions de Cézanne, à la découverte de la photographie. Mais ce qui domine, c'est cette sensation de quelque chose en plus, de poétique, de bluffant, qui nous dépasse.
Dans cette exposition d'une trentaine d'œuvres, il est stupéfiant de constater que chacune est entièrement différente, même si toutes utilisent la lumière. De vingt centimètres à quinze mètres, la taille des installations elle même concourt à cette étrangeté.
Pour une visite commentée d'une heure et demie un dimanche à 15h30, prévoir une heure de plus pour approfondir les installations les plus spectaculaires, ou musarder au café attenant. C'est à Angers jusqu'au 13 mars 2011, au musée des Beaux-arts, excursion faisable dans la journée de bien des endroits en France par le TGV. Mieux vaut réserver.
Avant Angers, Loriot et Melia ont exposé à Lyon, Montréal, Londres, Nantes, Toulouse, Paris et Buenos Aires.
On sort de cette exposition avec l'impression d'être plus intelligent, plus léger. Et c'est le moindre de ses bienfaits.

vendredi 28 janvier 2011

LE NOM DES GENS

Certains films de fin 2010 me trottent encore dans la tête. Les émotifs anonymes, pour des raisons personnelles, et aussi Le nom des gens. Je n'en ai pas parlé ici, par manque de temps. Je veux réparer ce manque, d'autant que le film passe toujours (dans 189 salles à ce jour), qu'il est très divertissant et pose des questions intéressantes :
Aurions nous pu aller, dans un grand élan de prosélytisme fou, jusqu'à coucher,non pour obtenir la moindre faveur, mais pour convaincre un inconnu de changer de bord politique?
Moi, c'est non, je te le dis tout de suite. D'abord j'ai besoin d'une sexualité qui prend son temps pour prendre son pied. Or, c'est bien connu, les gens de l'autre extrémité sont de petits b***, atrocement précoces, aigris et forcément mal dotés, lol. Donc, nada, je veux bien donner mon corps, mais de préférence quand j'aurai arrêté de m'en servir. Bahia, elle, se fait un devoir de séduire et d'amouracher les plus haïssables extrémistes que son chemin puisse croiser, et les convertir.
Son palmarès de fanatiques est déjà bien garni, et elle a faim du suivant (Sara Forestier est étonnamment crédible dans le rôle). Hélas ledit suivant, incarné par le délicat et fin Jacques Gamblin, cache sous un uniforme de réactionnaire amidonné, un... jospiniste! Un vrai, contemporain, qui sait que le Lionel est "retiré" de la politique, depuis bien plus de 35 heures, mais il ne rend pas sa carte.

Le nom des gens
Sara Forestier, Jacques gamblin dans "Le nom des gens"
A travers les flash-backs de leurs enfances, on découvre pourquoi l'un est Jospin-addict tandis que l'autre fait la vamp électorale. La voix off est un peu lourde, mais il y a suffisamment de cocasseries pour qu'on suive cela avec plaisir. Ces deux personnages vont vivre leur drôle de relation en faux-semblants et vrais qui-proquos.
Des parents marqués par les aléas de la vie et des rencontres hautes en caractère leur donnent des rochers à moudre et les obligent à réagir avec ce qu'ils sont, ou ne peuvent pas être.
Peut-on valablement intervenir dans la destinée des autres? En a t-on le droit moral et est-ce sans conséquence? Que valent nos opinions politiques et quelle est leur profondeur? L'histoire tente d'apporter des pistes de réflexion dans le rire, la tristesse ou la colère. Je suis sorti du film songeur et charmé par la conviction des comédiens et du réalisateur.
Les amis que j'ai convaincu de voir ce long métrage m'en parlent encore au détour des conversations. Et la scène avec Lionel Jospin, (le vrai!) est décalée et drôle.
Comme le film.

lundi 24 janvier 2011

RESOLUTIONS 2011

Que sont mes belles résolutions de début 2010 devenues? Je voulais retrouver mon corps idéal, en perdant quinze pour cent de mon poids, en reprenant le jogging après plus de dix ans, et en harcelant le secteur médical pour tous les bobos gênants. J'ai perdu les kilos des fêtes sans plus, je cours plusieurs fois par semaine, le médecin a fait ce qu'il a pu. Pas si mal.
Je voulais aussi exprimer mes regrets de voir fermer certains blogs, dans un ...Blog, c'est fait. J'ai même continué d'écrire dedans, ainsi que pour la poubelle et le grenier, et le blog collectif, Une fois par moi. Avant il y avait juste la poubelle et le grenier, c'est donc un progrès je pense.
J'ai du mal à m'imaginer sans ce blog, sauf que je n'arrive pas à un minimum d'unité. Certains parviennent remarquablement à s'en tenir au vrai journal intime, moi pas. Je me vois orienter les billets vers tel ou tel genre, et je ricane, ou je m'enthousiasme tout seul (on n'est jamais si bien servi que par soi-même, dans l'humiliation comme l'autosatisfaction). Soyons sérieux, je ne suis pas doué pour l'humour, je continuerai de rigoler chez les autres. Pareil pour la politique, ou le sexe, d'autres blogueurs sont bien meilleurs que moi en paroles (par contre en sous-entendus il m'arrive de valoir mon pesant de cacahuètes). Néanmoins j'aime la poésie, tant pis si je suis effondré en lisant de vrais poètes.

Crocus par4028mdk09 sous licence cc
Crocus par 4028mdk09 sous licence cc
J'apprécie raconter mon histoire ou d'autres, commenter les films ou les sorties. A ce propos il serait temps en 2011 que j'aborde le sujet sacré, les livres.
Pour l'unité, faut pas rêver, ça ne doit pas être dans mes capacités, je vais être plus raisonnable qu'en 2010 avec le régime, pas de résolution. Pour la bravade je reconduirai quelques résolutions impossibles, pouvoir me marier avec mon mec, avoir des enfants, réussir dans la vie, avoir confiance en moi.
Je vais continuer de lire des blogs, pour des billets plus émouvants que les journaux, et plus approfondis que les conversations amicales. Je vais essayer de faire quelques billets en plusieurs parties, et donc avancer "les marroniers". Continuer à courir, cultiver mon jardin sentimental.
Non, en fait, le plus important pour 2011, ce serait d'en finir avec la gastro qui nous a fait tout annuler ce week end. Et que ça ne revienne jamais, si possible. Ou alors il va falloir transformer les toilettes en salon confortable, avec télé, ordi et musique douce.

mardi 18 janvier 2011

C'ETAIT POURTANT SIMPLE

Au matin sous la tente tu m'avais fait ta déclaration.
En lisant ma stupeur tu avais bredouillé les lettres :
partager ma vie, sortir de mes cases, voir mes amis
sans pression ni question, être plus.
Je pouvais prendre mon temps,
antichambre de ton espoir.
Sur le sentier tu avais cheminé dans mes pas,
confiant et enthousiaste, tu avais bien vu mon silence sonné,
mais dévorant les kilomètres escarpés, cueillant à l'occasion
quelque fleur alpine sans arrière pensée,
tu avais dit ton essentiel, au final de nos jours de randonnée.
Moi j'avais parcouru mon labyrinthe intérieur,
égaré dans l'inconnu de l'engagement.
N'étais-je pas à l'abri des invasions,
protégé par notre différence?
A nous deux nous n'accumulions pas quarante ans,
et il me fallait mûrir vite, découvrir où était le libre, ou était le cachot.
Était-ce vivre avec toi, ou garder mon contrôle,
sentir sur ma peau la brise fraîche ou ton souffle amoureux?
Je voulais t'aimer, j'avais peur de te céder,
Être attaché, était-ce comme être enfermé?

Smith Mountain Lake par James Roney sous licence CC
Smith mountain lake par James Roney sous licence CC
Le jour s'était fait discret sur la montagne émeraude
les liens de jade avaient tissé avec le quartz rose un doux mandala
dans l'air miroitant de notre arrivée au gîte.
Nous avions posé les sacs contre le bois clair,
la patronne nous avait montré le bout de banc
qui nous verrait échanger à la nuit, avec tous, les douceurs de la vallée.
La berge nous avait attiré avec un air de Satie,
je n'y voyais plus guère, j'étais fatigué, affamé et perdu.
Pourtant c'était simple, il suffisait d'écouter:
Le lac ondulait dans le soir, il a murmuré flic flac,
ou tu restes prostré et la mouche du sommeil te piques,
ou tu lâches prise et l'oiseau de l'amour t'embarque.
Et les yeux dans les tiens,
je t'ai dit oui.
Mon premier bonheur dans ma vie, je le dois à un clapotis.

vendredi 7 janvier 2011

ILE DESERTE

Je crois n'être pas le seul à avoir toujours eu la tentation de l'île déserte.
La paix, enfin retrouvée. Je goûterais le silence infini d'une quiétude délicieuse, où les trublions de la quotidienneté trépidante n'exerceraient qu'un écho fantomatique. Ne penser à rien, n'avoir que peu de besoins, vivre au jour le jour sans interrogation, sans avenir et sans passé.
Se mettre au soleil parce que ma peau en a envie, boire de l'eau lorsque la soif me dirige, dormir dès que Morphée me rend visite. Le bonheur sur la terre.
Forcément, il y a quelques minuscules conditions à cette condition. Mon île n'est pas tout à fait vide bien entendu, je ne l'envisage pas en tant que désert sec et inhospitalier. Elle contient de l'eau qui me désaltère à volonté, des arbres, plantes, fruits et animaux qui me nourrissent. C'est que mon équilibre alimentaire, fût-il au jour le jour, n'est pas négociable. Je n'ai pas le courage de cultiver, aussi toutes ces choses sont-elles à disposition sans effort.
Mon oeil se lassant d'un relief totalement plat, le paysage est légèrement vallonné, pour rendre son parcours intéressant. Dans la pratique, si des associations de prés, forêts et autres cours d'eau peuvent égayer mes promenades, je n'y vois pas d'inconvénient.
J'aime bien l'alternance des saisons et du climat, sans extrême, et mon île offre cette diversité. Et enfin je savoure la sérénité, libre dans mes actes comme dans ma tête. La nature m'offre des plaisirs renouvelés, et la béatitude pointe son nez.

Frédéric Bazille_Jeune_Homme
Frédéric Bazille Jeune homme (partie) sous domaine public
Mes yeux se reposent, mon corps se régénère.
Toutefois, il reste peut-être un tout petit rien : je me sens un peu seul...Mon chéri me manque! Mais qu'à cela ne tienne, c'est mon île après tout, ma baguette magique peut m'offrir la présence affectueuse et non pesante de mon entourage proche.
Je veille à leur confort, leurs amis sont donc conviés. Pendant que j'y suis, je ne pourrais me passer des animaux qui m'accompagnent. L'esclavage est minime, et la sincérité sans limite.
Je suis donc serein, et dans ma félicité euphorique, quasiment tout est merveilleux.
Un grain de sable cependant, je m'ennuie légèrement malgré tout. Je sème quelques râleurs dans la campagne, ils stimulent mon énergie, et également de ces personnages énigmatiques avec lesquels je n'ai aucune affinité mais qui m'ouvrent l'esprit. Je me mets à écrire, juste pour rompre toute lassitude. Ça y est, je suis parfaitement bien sur mon île.
Je peux écrire, lire, confronter...Lire? comment ai-je pu oublier les livres? Je rajoute fébrilement les bibliothèques, et un ordinateur relié à internet, puisque cela fait désormais partie de la lecture. Et j'y joins la communauté des internautes, sans laquelle internet ne serait rien. S'y intègre automatiquement ce qu'il faut pour faire fonctionner tout cela, politiciens véreux ou honnêtes, savants obscurs ou hommes de la rue.
Mais j'ai aussi oublié un toit sur ma tête, pour survivre à mes saisons! Un petit toit, avec quelques pièces en dessous, une petite véranda pour ma détente. Elle n'est pas luxueuse, je ne suis pas difficile.
C'est fait, mon île est prête, elle me convient car je peux faire quelque chose de ma vie dans cette île, dans la mesure de mes moyens. Je peux y être heureux.
Un dernier ultime petit détail : Il me faut saupoudrer mon île d'imprévu, dût-il être pénible, car je me connais, sans interventions du destin, je me lasserais.
Voilà, c'est parfait, elle est parfaite, je suis à pied d'œuvre pour me faire une vraie place, ma juste place, sur mon île.
Bien sûr, tu as compris à quoi elle ressemble, mon île. Je ne suis pas un vrai contemplatif, j'ai besoin de tout ce qu'il y a ici.
Puisque c'est ici et maintenant, mon île déserte, et tu y es aussi.